LE CONTRAT DES ARAIGNÉES
- Joel Koechlin
- Apr 26
- 2 min read

Il y a bien longtemps, j'ai passé un contrat avec les araignées.
Je leur ai dit : « vous pouvez vivre en paix chez moi. Je ne vous tuerai pas. » — par opposition à ce que beaucoup de gens font sans raison, plus par phobie que par souci de sécurité. « J'y mets deux conditions, cependant : vous ne me mordrez pas et n'irez pas vous balader dans mon lit. »
L'arrangement bilatéral a très bien fonctionné toutes ces dernières années et le statu quo a été mutuellement respecté. Personne de mordu et aucune araignée écrasée. Tout le monde est content : les araignées tissent leurs petites toiles par-ci par-là et mangent à leur faim, tandis que j'ai la satisfaction de voir éliminés les rares moustiques qui parviennent à s'introduire dans la maison.
Au petit matin, j'ai l'habitude de siroter ma tasse de thé assis en tailleur sur un simple coussin bien épais. C'est un moment sacré de méditation qui me permet de faire face aux vicissitudes de la journée à venir.
Or quel ne fut pas mon effroi, hier matin, lorsque je découvris, l'esprit encore embrumé, une araignée costaude confortablement installée sur mon spot matinal !
« Non, non, ça, ma p'tite, ce n'est pas conforme à notre accord ! »
Je fonce à la cuisine et m'empare d'un bol en plastique qui devrait me permettre de la capturer sans lui faire de mal — car je m'en voudrais de faillir à l'arrangement.
Et hop ! Dans l’bol avec un couvercle en carton glissé dessus, et « je t'emmène loin dehors où tu pourras mener la grande vie parmi les fleurs, les arbres et les buissons, ma belle ! »
Le lendemain matin, au lever, je trouve avec satisfaction mon coussin inoccupé sur lequel je m'installe pour mon moment de silence. Après avoir bu mon thé tranquillement, je me lève et m'en vais ouvrir la porte du jardin.
Quelle n'est pas ma surprise de trouver, postée à deux pas en face de la porte, mon araignée qui me fixe d'un regard chargé de reproche, l'air de dire : « Tu es gonflé de me déporter ainsi, sans avoir commis d'autre crime que de m'être assise un moment sur ton coussin ! »
Pris de court, je rougis jusqu'aux oreilles, assailli d'un affreux sentiment de culpabilité, et après un moment d'hésitation, je recule de quelques pas.
Et mon araignée de trottiner fièrement sur ses six pattes devant moi, parfaitement consciente de son droit. Quelques instants plus tard, ayant tranquillement escaladé le mur, elle gagne un coin de plafond avec l'air de dire « assez perdu de temps, au boulot ! »
Elle commence à tisser sa toile.
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